2022·BLOG·Course à pied

Marathon des Villages 2022

Septembre 2021

Après une séparation, un été extrêmement compliqué et plusieurs mois sans courir, il est plus que temps de me reprendre en mains.

Je chausse mes runnings et c’est parti. Depuis le semi Bazas-Langon en 2020, couru en 1h42min28s soit 4min51 au km, je n’ai cessé de régresser. Covid, isolement, je suis incapable de retrouver mon rythme. Lassé de cette expérience Covid, c’est à peine si j’ai envie de m’y remettre. Après tout, j’ai coché les cases « marathon » et « semi marathon » de ma bucket list. Pourtant, pour le premier marathon, le 27 octobre 2019 à Bordeaux, j’avais eu cette volonté tenace de le boucler en moins de 4h. Hélas, j’avais dû me contenter de 4h02min24s.

Aujourd’hui il est temps de reprendre et de rectifier le tir en commençant la prépa du Bazas-Langon qui aura lieu le premier week-end de mars 2022. Hélas, j’enchaîne les courses sans constater la moindre progression. Je cours entre 6 et 7min au km, et après 14 sorties, mon moral est au plus bas.

J’arrête.

Janvier 2022

Je viens de passer 4 mois sans voir les couleurs de mes baskets. J’ai déménagé dans la commune de Cadillac. Nous sommes le 26 janvier, j’ai toujours envie de faire le Bazas-Langon qui est dans à peine un peu plus d’un mois. Si je veux avoir une chance, ne serait-ce que de le finir, je dois me sortir les doigts du cul maintenant. J’attaque avec 5km le 26 janvier, je suis à 5min22/km. C’est incompréhensible mais je jubile. La motivation vient de revenir après ce tout petit run.

Février 2022

J’enchaîne les courses. Je me stabilise. Les 6 ou 7min au km sont déjà loin derrière moi. Le 16 février, je cours 14km à 5’03/km, le 22, je fais 7km à 4’55/km, le 24, je fais un semi sur les quais de Bordeaux à 5’05/km. La progression est folle et je prends mon dossard pour le Bazas-Langon qui aura lieu le 6 mars. Objectif, battre mon chrono de 2020 et finir en moins de 1h40, soit 4’42/km. Ça me semble possible car j’ai le souvenir d’un semi avec un fort dénivelé négatif.

Je suis en train de me mettre une pression folle et je ne prends du plaisir à courir que si je performe.

Après un run compliqué
Mars 2022

Je commence à guetter le marathon de Blaye qui aura lieu le 14 mai. Si le semi se passe bien, j’aurai le temps de préparer ce marathon pour enfin passer sous les 4h.

Le 6 mars, je participe donc au 39ème Bazas-Langon. Je suis en pleine forme mais je fais l’erreur de suivre le meneur d’allure, celui qui va réaliser la course en 1h40. Son allure va rester stable à chaque kilomètre et j’avais oublié que les 7 premiers kilomètres étaient ascendants. Je suis cramé, je perds le meneur de vue, mais après le 7ème kilomètre, j’accélère comme un furieux. La course est dure mais je gagne du terrain et ne dépasse le meneur qu’à 200m de la ligne d’arrivée pour finir en 1h39min26s. Objectif accompli. J’ai couru avec une moyenne de 4’42/km. Parfait.

à l’arrivée du Bazas-Langon

Je repars courir le 9 mars sur les quais de Bordeaux. Je cours vite mais je ne suis pas en train de prendre du plaisir. Il se passe quoi depuis un mois ? Je me mets une telle pression, pour le semi, pour le marathon que je ne sais plus pourquoi je cours. Je ne cherche plus que la progression par la performance. Si je continue comme ça, je vais me dégoûter de la course.

Je décide de ne plus courir pendant deux semaines. Ce n’est finalement pas une bonne idée de faire le marathon de Blaye. Je préfère lâcher l’affaire.

Je rechausse mes runnings le 23 mars. Seul objectif en tête : retrouver le plaisir de courir. Fini le stress. Je pars pour 5km de bonheur en bord de Garonne. Je retrouve enfin cette sensation de bien être. Je n’ai plus rien à préparer. Ni semi, ni marathon. La pression est enfin évacuée.

Avril 2022

J’enchaîne les runs sans le moindre objectif. Le 4 avril, je profite d’un Soleil magnifique pour aller courir pieds nus sur la plage. Le kif ! 11Km durant lesquels j’aurai les pieds dans le sable, dans l’eau, au sommet de la dune du Pilat. Je finis ma course par un bref plongeon dans l’océan glacé. Plaisir, plaisir, plaisir.

Run sur la plage

Le 8 avril, je décide de partir à la découverte des routes autour de chez moi, et je découvre avec stupeur le magnifique village de Laroque. Pour atteindre l’Église de Laroque, il faut passer par une cote de 49m de dénivelé positif. Exténué après quelques mètres, je décide de finir en marchant et de rayer définitivement cet itinéraire.

Enfin, quand je dis « définitivement »… Le truc, c’est que je commence à avoir une idée en tête… Attendez, je teste quelque chose, et je vous dis…

Le 17 avril, après un week-end fabuleux avec mon fils Aubin, je décide de retourner à Laroque. Et oui, maintenant que je sais à quoi m’attendre, ce n’est pas la même difficulté… Alors l’idée qui commence à émerger dans ma tête, c’est celle d’aller finalement faire le marathon de Blaye, mais, sans le moindre objectif. Juste franchir la ligne d’arrivée et embarquer ma médaille. C’est un marathon avec un dénivelé de 400m, c’est du costaud.

Petit run avec Aubin

Je décide de faire de la boucle Cadillac-Laroque mon nouveau terrain de jeu. Plus je ferai l’ascension de cette cote, moins j’aurai de difficulté à arriver au bout de ce marathon. Et ça fonctionne. Au fil des jours, j’enchaîne les ascensions qui deviennent de plus en plus faciles, entre deux, je fais 30km sur les quais de Bordeaux. C’est une course compliquée mais j’arrive au bout des 30km avec une moyenne de 5’20/km.

Merde. Finalement, je crois que j’ai envie de faire le marathon sous la barre des 4h. C’était à prévoir…

Crampe après 30km

Mai 2022

2 mai : Je fais une course de 19km avec 304m de dénivelé positif en 5’26/km.

3 mai : J’ai rendez vous chez mon podologue. J’ai une foulée pronatrice, je viens de recevoir mes nouvelles Asics Kayano, et j’ai besoin de semelles pour éviter l’effet de pronation et la douleur aux genoux.

4 mai : Les indicateurs sont au vert, j’achète donc mon dossard 10 jours avant le départ. L’avantage, c’est que je n’aurai pas le temps de me mettre la pression. Les dés sont déjà jetés.

A ceux qui me demandent mes objectifs, je réponds que je vais juste chercher la médaille du finisher. Mytho !

11 mai : J’ai rendez vous chez un osthéo. L’intensité croissante de mes entraînements a réveillé mes douleurs de périostite sur les deux tibias. Je ressors transformé, avec pour seule consigne de badigeonner mes tibias de crème anti-inflammatoire, et d’envelopper mes jambes sous cello. Pour ceux qui veulent du jambon…

14 mai 2022

On est 650 sur la ligne de départ du marathon des vins Blaye. Beaucoup sont déguisés et ne viennent pas chercher la performance. Il faut dire que les ravitaillements, pour beaucoup, sont essentiellement constitués de dégustations de vins du blayais.

Grosse dose d’adrénaline pour moi, mais je préfère ne pas partir trop vite. Il fait chaud, très chaud, et je suis en train de m’imposer un faux rythme sur les bases d’un marathon en 3h45. J’aurais dû partir plus vite. Je fais 24km à 5’20/km, j’ai donc de l’avance pour les 4h, mais pas beaucoup.

Je suis en forme, je dis « merci » à ceux qui m’applaudissent, je souris à tout le monde, mais sans craquer, je suis en train de faiblir et de ralentir. La marge de sécurité semble suffisante mais le parcours est plus difficile que je ne l’avais imaginé. J’ai l’impression que l’on ne fait que grimper.

A l’entame du dernier kilomètre, je me sens toujours bien. J’ai esquivé toutes les crampes et je vois qu’en accélérant un peu, je vais être bon pour passer sous les 4h. En pleine citadelle de Blaye, je vois enfin la ligne d’arrivée. Ça va se jouer à quelques secondes mais la dernière ligne droite est impressionnante. Ça grimpe. Allo quoi ! Merde je viens de faire 42 kilomètres. Merde, ça va pas le faire. J’arrête ma montre sous l’arche. Mon temps réel est de 4h00min22s. Avec un temps officiel de 4h01min11s, je me classe 60ème de cette 17ème édition du marathon de Blaye.

A l’arrivée du marathon de Blaye

On me dit que 4h, c’est bon, à quelques secondes prêt, c’est comme si c’était fait, je peux considérer cet objectif comme acquis. Bin non en fait, c’est mal me connaître. Alors oui, je n’ai pris que du plaisir sur cette course. La satisfaction est immense mais l’objectif, il va falloir aller le chercher maintenant. Mais comment ?

Et si j’intégrais un club ?

Je me renseigne, je consulte des sites. J’ai deux options. Soit je rejoins le stade langonnais, soit le club associatif les Rapetou de Toulenne, à côté de Langon. Je penche pour le stade langonnais. J’ai fait partie de ce club de mes 6 à 10 ans, mais il se trouve que le 22 mai, les Rapetou organisent une course, la cavale des Rapetou. Il semble qu’elle soit organisée tous les ans. Je m’inscris.

22 mai 2022 : Je me rends à Toulenne pour la cavale. J’observe. Les Rapetou semblent nombreux, très nombreux. Ils sont partout, sur la ligne de départ, au retrait des dossards, à la buvette, derrière le micro… L’ambiance est très chaleureuse et conviviale. Je reste un moment sur place après la course et je rentre avec la ferme intention d’intégrer ce club à la rentrée. Moi qui suis un fan de Picsou…

A l’arrivée de la cavale avec Aubin
Juin, Juillet, Août 2022

Je continue de m’entraîner dans mon coin, je choppe la Covid, j’ai du mal à reprendre. Je suis affaibli et mon rythme a diminué. Mi août, je pars en vacances avec Aubin, une semaine à Sanguinet puis une semaine chez nous. Je ne peux pas courir.

Pour ma dernière semaine de vacances, je pars seul dans les Pyrénées pour faire l’ascension de mon premier 3000. Météo catastrophique, bivouac à 2889 mètres d’altitude, je suis obligé de revenir pour la première rentrée des classes de mon bébé le jeudi 1er septembre. Le Dimanche 4, il fait beau dans les Pyrénées, sur un coup de tête, je pars faire l’ascension du pic de Néouvielle.

Au sommet du Néouvielle

Pendant ces trois jours en solitaire dans les Pyrénées, je prends le temps de réfléchir. Et je réfléchis beaucoup. Je décide donc de faire le marathon des Villages qui aura lieu le 23 octobre à Lège Cap-Ferret.

Oui on avance enfin !

Septembre, Octobre 2022 : Les Rapetou

Le mercredi 7 septembre, j’arrive au stade de Toulenne avec mon bulletin d’adhésion pour les Rapetou. Le mercredi, c’est jour de fractionnés. J’échange quelques mots avec Jérémie, le Président du club, et Fabrice, le coach. J’explique que j’ai toujours couru seul, que j’aimerais progresser et que je ferai le marathon des Villages dans 6 semaines. Nous sommes nombreux. Une cinquantaine peut-être. Jérémie annonce qu’après l’entraînement, il organisera un apéro chez lui. Moi qui souhaitait intégrer un club convivial, ça commence plutôt bien. Je fais le footing d’échauffement à côté de Marcel, le vice Président du club. Nous sommes dans le bois de Toulenne. Il m’explique le fonctionnement du parcours qui est balisé tous les 100 mètres pour faire un total de 1000 mètres.

Fabrice nous explique le déroulement de la séance. Il va constituer des groupes et nous devrons faire des sessions de 300, 400 ou 500 mètres. Nous devrons aller le plus vite possible et attendre les membres de notre groupe. Il compose le groupe 1, m’attrape l’épaule et me conduit au milieu du groupe. Je ne me fais pas d’illusion. Ce sont les plus rapides. Je balise. Nous sommes quatre et je sais déjà que je vais les ralentir. Me voilà lancé dans une course de furieux avec Pascal, Fred et David. J’essaie de suivre mais ça va beaucoup trop vite. Ne les connaissant pas, je suis incapable de dire si je les ralentis ou pas mais j’arrive à me maintenir avec beaucoup de difficultés jusqu’à la fin de la séance. Il s’est passé quoi là ? Je termine le footing de récup à bout de forces.

Nous nous rendons tous chez Jérémie à la fin de la séance. J’échange avec de nombreux Rapetou. Coach vient me voir. Nous discutons du marathon des Villages. Il propose de me faire un plan d’entraînement pour passer sous les 4 heures. Il me dit que ça va le faire, qu’on va même pouvoir descendre encore et que je vais pouvoir progresser sur les trois ou quatre années à venir.

Fin de ma première séance chez les Rapetou

Je rentre chez moi. J’ai quelques étoiles dans les yeux.

Les jours qui suivent, j’enchaîne les séances aux côtés de mes nouveaux partenaires, je les découvre les uns les autres. Je découvre les joies de papoter en courant. J’ai toujours couru seul. Le changement est radical. D’une part, les entraînements sont réguliers, et il faut suivre. Un week-end sur deux, je suis avec Aubin et je manque deux séances mais j’en rattrape une le lundi après l’avoir déposé à l’école.

Le 18 septembre, Coach m’envoie mon plan d’entraînement sur cinq semaines pour le marathon des Villages. J’ouvre le document. Heureusement que je suis debout, j’en serais tombé de ma chaise. Les semaines à venir vont être intenses ! Je sais une chose, je ne suis pas très fort pour tenir des entraînements intensifs. Et c’est peut-être ce dont j’ai besoin pour atteindre mes objectifs… Je me fais la promesse de suivre ce plan à la lettre et je passe une nuit désastreuse.

Chez les Rapetou, on suit un planning bien précis. Le lundi, footing d’une heure. Le mercredi, une heure de fractionnés. Le vendredi, footing d’une heure avec, parfois, des fractionnés. Le Dimanche est réservé aux sorties longues de 1h30 à 2h. Le plan de Coach favorise l’entraînement collectif et je comprends vite que je serai rarement seul. J’enchaîne des fins de semaines avec 2h à 2h30 de course, j’assiste à tous les fractionnés, j’ai parfois du mal à tenir les allures marquées sur mon plan. Je fatigue. Je ne suis pas doué pour rester constant sur de longues distances. C’est toujours une fatalité, après un certain nombre de kilomètres, je suis cuit et je ralentis.

Alors que je pensais être le seul membre du club à faire ce marathon, Christophe m’annonce quelques jours avant le départ qu’il a pris son dossard. Christophe a une cinquantaine d’années. Il va se lancer avec moi pour faire son tout premier marathon. On court souvent ensemble, il a beaucoup plus d’expérience que moi et surtout, il tient mieux la distance. Je suis soulagé de ne pas être seul sur la ligne de départ.

Le mercredi 19 octobre, je passe récupérer mon dossard et je me rends au dernier entraînement collectif. David, le comique du club, m’apporte son maillot pour que je puisse courir aux couleurs des Rapetou. Alors que tous les membres font la séance du jour dans le bois de Toulenne, je fais la mienne à part. Le marathon est dans quatre jours, je dois commencer à me ménager. Je discute avec Christophe. Ça ne va pas du tout, le stress est en train de le rendre malade. Je l’ai aussi vécu. D’autant que comme moi, il se met la pression pour finir en moins de 4h. De mon côté, je suis partagé entre l’excitation et l’appréhension. Aujourd’hui, l’excitation l’emporte mais qu’en sera-t-il demain ?

Dossard et goodies

A la fin de la séance, nous nous retrouvons pour discuter de nos plannings du week-end. Alors que Christophe et moi partons pour le Cap Ferret, d’autres vont se challenger ailleurs. Jean-Marie va faire les 24h d’Albi, David, Julian, Pascal et Marie Jo partent pour le semi de Saint-Jean de Luz alors que d’autres vont courir pour Octobre Rose au Domaine de Malagar.

Nous sommes plus de cent membres au sein du club. Je n’ai pas encore rencontré tout le monde mais chaque entraînement est joyeux et convivial. Pourquoi n’ai-je pas eu l’idée plus tôt de venir m’inscrire ?

Je fais 30 minutes de footing le jeudi 20 avant d’enchaîner sur deux jours de repos. Il était temps. J’espère vraiment que les courbatures auront disparu Dimanche. Je me badigeonne les jambes de crème anti-inflammatoire avant d’aller me coucher. Je prends de longues inspirations afin d’éliminer la pression qui monte doucement.

Dimanche 23 octobre 2022 – Marathon des Villages

J’ai dormi quoi ? Cinq heures tout au plus. Je me lève à la première sonnerie du réveil. Tout est déjà prêt, mon sac d’hydratation est plein d’eau, les poches sont remplies de gels énergétiques, mon dossard est épinglé sur le maillot du club. Je prends une douche, un thé, juste une tartine de beurre et de confiture et me voilà parti. J’ai 1h15 de route pour arriver à Lège Cap Ferret. Je mange deux barres de céréales dans la voiture et je bois une ou deux gorgées de boisson énergétique à ma gourde. Rien de plus. J’ai appris de mes erreurs. Je suis toujours parti le ventre trop plein. Plein d’eau, plein de céréales. J’aurai tout le loisir de boire et manger pendant la course. J’ai mis quatre ans à comprendre ça. Autre avantage, je ne vais pas avoir envie de pisser. Ceux qui me connaissent, savent que je ne suis pas capable de pisser s’il y a des gens autour ou si des gens attendent derrière la porte. Je n’y peux rien, c’est psychologique. En revanche, si je suis bourré, je suis capable de pisser n’importe où. Mais pas question aujourd’hui, de me saouler la gueule avant un marathon… Un jour peut-être.

Je pense à ma course. A Blaye, j’ai fait l’erreur de partir lentement. Même si j’ai peu dormi, j’ai éliminé toutes les courbatures, je me sens en pleine forme et je n’ai pas mal au ventre. Mon intuition me dit de partir vite et de prendre le plus d’avance possible pour me sentir plus tranquille sur les 20 derniers kilomètres. Je vais faire ça. Je l’annonce à Christophe que je retrouve à mon arrivée devant le marché Piraillan de Lège. Il est extrêmement stressé. J’essaie de le rassurer mais je ne suis pas plus serein que lui.

Avec Christophe avant le départ

Nous nous rendons côte à côte sur la ligne de départ. Comme d’habitude, j’ai envie de pleurer. Si je ne me retenais pas, je m’effondrerais en larmes… L’émotion d’avant course. La musique, les spectateurs, les drones, l’ambiance s’annonce folle. Nous sommes bien placés. Dans le premier tiers. Les coureurs devant nous partiront vite et nous serons moins ralentis que si nous partions derrière.

Ligne de départ – photo de drone publiée sur la page Facebook du Marathon des Villages
Avec Christophe sur la ligne de départ

Coup d’envoi. C’est parti. Nous nous élançons. Christophe se fraye un chemin dans la foule et part devant moi. A mon tour je double. Après quelques centaines de mètres, nous ne sommes plus gênés. Christophe part. De mon côté, je sens que je suis déjà rapide, je préfère ne pas le suivre. Les spectateurs inondent les bords de routes, ils crient des « bravo, allez », j’ai toujours envie de pleurer.

Pour finir un marathon en 4h, il faut courir à 5’40/km, en 3h45, 5’20/km et en 3h30, 5’00/km

Maintenant, ça va être mathématique.

1er km : 4’59. Pour moi, c’est une allure assez soutenue mais aujourd’hui, je m’y sens très bien. L’adrénaline y est pour beaucoup et j’ai été ralenti au départ. Je prends donc 41 secondes d’avance pour les 4h.

2ème km : 4’43. Je fais l’addition et je maintiens l’allure. Là, si je ralentis, je vais m’imposer un faux rythme qui va tout foutre en l’air.

3ème km : 4’45. Christophe est 100 mètres devant moi. J’ai l’impression qu’il court à la même allure mais si je cherche à le rattraper, je pourrais bien le payer.

4ème km : 4’42. Je n’ai toujours pas l’impression d’avoir commencé la course. Je m’amuse à taper dans les mains des enfants. J’ai mon prénom sur mon dossard et les encouragements qui vont avec. « Allez Josselin ! » Je souris bêtement.

5ème km : 4’37. L’écart avec Christophe reste le même. J’aurais dû partir avec lui. Il m’a déjà emmené loin lors d’un fractionné. On aurait été plus forts à deux.

6ème km : 4’54. Nous sommes sur une piste cyclable, les spectateurs ont déserté.

7ème km : 4’35. Ça sera mon kilomètre le plus rapide sur ce marathon.

8ème km : 4’47. Si ma montre ne se trompe pas, et si je continue comme ça, je vais avoir de précieuses minutes dans ma poche.

9ème km : 4’46. Je prends la confiance, je me sens bien et je n’ai toujours pas l’impression d’avoir commencé. Nous sommes toujours nombreux sur la piste.

10ème km : 4’49. J’arrête les additions. Aucun kilomètre au dessus des 5 minutes, je multiplie 40 secondes par 10 kilomètres et je considère que j’ai 400 secondes d’avance. Mais je n’arrive pas à les convertir en minutes. C’est trop cérébral et je ne suis pas sûr que ce soit le bon moment.

11ème km : 4’42. Chistophe semble s’éloigner. Est ce qu’il est en train de mettre un coup d’accélérateur ?

12ème km : 4’40. Enfin, on voit la plage. Alors que j’étais prêt à rentrer dans la course, voilà que la vue vient me distraire. Pour l’instant tout est absolument parfait. Je me régale. Je prends quelques petites gorgées d’eau à chaque kilomètre et je ne ressens pas la moindre difficulté.

13ème km : 4’59. Pas de panique, il y a un dénivelé positif de 26 mètres. J’en suis à mon 2ème gel énergétique.

14ème km : 5’02. Aïe. Effectivement, le 13ème kilomètre me fait rentrer dans cette course. Ça y est, la promenade s’arrête ici. Je décide de mettre un coup d’accélérateur pour rester sous les 5 minutes. Je sais que quand on commence à craquer, on peut perdre énormément de temps à chaque kilomètre.

15ème km: 4’53. Tout va bien. Je commence à être confiant. Je sais que je suis très en avance si je compare au marathon de Blaye. Surtout, ne rien lâcher.

16ème km : 4’46. Me voilà remis sur le rail du départ de la course. Je tente de refaire un calcul. Bon, je ne retenterai pas de multiplier 40 par 16 après tous ces kilomètres dans les jambes. J’ai de l’avance. Beaucoup d’avance. Mais je sais que si je craque avant le semi, c’est terminé.

17ème km : 4’45. Le truc c’est que je ne souffre pas. Sans dire que je me ballade, ça faisait longtemps que je ne m’étais pas senti aussi bien après 17 kilomètres. C’est très positif.

18ème km : 4’50. Ok. Je pars pour 3h45. C’est ce que je veux. C’est définitif. Je peux me mettre un peu de pression.

19ème km : 4’49. Christophe se rapproche. Alors que je perds de petites secondes, je comprends qu’il est en train de ralentir. J’espère que ça va pour lui.

20ème km : 4’55. On approche du semi. Je reste sur mes gardes. Je sais qu’entre 20 et 25 kilomètres, c’est le moment où je commence à ralentir. Reste à savoir si je vais être à 5 ou 6 minutes au kilomètre. Je ne me fais aucune illusion, je commence à sentir le poids de la course.

21ème km : 5’08. Après le 20ème kilomètre, nous sommes entrés sur une route départementale. Une grosse route bien droite qui semble s’étaler sur plusieurs kilomètres. Il y a un ravitaillement à l’entrée de la départementale. Christophe est arrêté. J’en profite pour lui taper l’épaule. Je ne comprends pas ce qu’il me dit, mais il est dans le dur. J’attrape un morceau de banane à la volée et je repars. Je tente de tourner la tête à plusieurs reprises, mais je ne vois pas Christophe.

Nous sommes à mi-parcours et je sais que j’en garde sous le pied. Je commence à réfléchir au prochain semi Bazas-Langon. Dans ma tête, j’avais fixé cet objectif de le finir en 1h35. Ayant fait le dernier en 1h39 avec peu de préparation, 1h35 semble à portée de main. Mais avec la forme que je tiens, je commence à caresser l’espoir de le faire sous la barre des 1h30. Ça voudrait dire, courir en 4min15s au kilomètre. Je n’ai jamais tenu une telle allure. Le challenge est lancé.

22ème km : 4’54. Cette route est infecte. Je fais quelques pas en marche arrière. J’ai besoin de me rassurer sur le sort de Christophe. Mais c’est bon, il s’est relancé. De mon côté, je maintiens le rythme parce que la fille devant moi semble très jolie. Je me cale dans ses pas et regarde sa queue de cheval qui se balance de gauche à droite.

23ème km : 5’08. J’ai doublé la fille. Idiot que je suis, je me suis mis à ralentir juste pour regarder une queue de cheval. Pourquoi pas l’inviter à prendre un verre tant qu’on y est ? Je croise un homme qui fait demi tour. C’est toujours très dur de voir des coureurs abandonner la course.

24ème km : 5’02. Ça y est, j’en ai terminé avec cette foutue départementale. Sans me sentir dans le dur, je sais que je suis en train de ralentir mais je peux stabiliser à cette allure. Considérant grosso modo que je viens de faire 24 kilomètres sous les 5 minutes au kilomètre, et que je suis encore en pleine forme, je considère comme acquis, le fait que je serai sous les 4h.

25ème km : 5’04. Alors que je n’ai vu aucun nom des villages que j’ai traversé, me voilà à côté du phare du Cap Ferret, magnifique monument du Bassin. Et c’est bon pour le moral parce que nous ne sommes pas loin de la pointe et il sera bientôt temps de revenir en arrière.

26ème km : 5’05. « Allez Joseph ! » Est ce que je cours trop vite pour que mon prénom soit bien lu ? J’éclate de rire, le gamin aussi quand il comprend son erreur. Je lui tape la main. Sans rancune.

27ème km : 5’14. Alors que nous approchons de la pointe du Cap Ferret, je commence à ressentir quelques douleurs. La menace d’une crampe s’empare de mon mollet droit. Je bois de l’eau. Je sens que mon sac d’hydratation est de plus en plus léger. J’espère avoir encore de la marge.

28ème km : 5’10. Je réalise que je n’ai pas encore couru un seul kilomètre au dessus de la base des 3h45. Soit 5’20/km. J’ai même, semble-t-il, une avance très confortable. Après deux tiers de course, ça commence à sentir bon.

29ème km : 6’08. J’aspire ma dernière gorgée d’eau après le 28ème kilomètre. Ça va se compliquer pour moi. J’aurais cru tenir plus longtemps mais je comprends que je vais devoir m’arrêter à tous les ravitaillements, à commencer par ce ravitaillement qui tombe à pic après la pointe du Cap où je viens de prendre un coup de vent monstrueux. Trop concentré sur ma course, je ne me préoccupe même pas du paysage qui est pourtant magnifique. Je m’arrête donc au ravito, avale deux verres de coca, une demie banane et une demie bouteille d’eau que je range dans mon sac. Je repars le ventre plein. Trop plein. J’ai mal au ventre. Non mais je viens de faire une micro crise de boulimie en plein marathon. J’ai bien choisi mon moment.

30ème km : 5’13. Je me sens bien. « Est ce que je vais craquer ? » Nous sommes nombreux à nous poser la question après le 30ème kilomètre. Je l’ai vécu à Bordeaux, j’avais complètement explosé. A Blaye non. Aujourd’hui, non seulement je sens que ça va le faire, mais je regarde ma montre et je réalise que je suis en avance sur les bases d’un marathon en 3h30. C’est 5 minutes au kilomètre. Non seulement j’ai compris que je n’exploserai pas, mais je décide de mettre un coup de turbo si je veux réaliser un exploit que je n’avais jamais envisagé auparavant.

31ème km : 5’00. Putain je peux le faire. Je peux faire ce putain de marathon en 3h30 !

32ème km : 4’58. J’arrive à faire un 32ème kilomètre en 4 minutes 58. Je commence à m’amuser avec les spectateurs, ça me booste. Je lève les bras pour qu’ils crient plus fort lors de mon passage. J’ai des ailes qui me poussent.

33ème km : 4’56. On vient encore de m’appeler Joseph ? Oui Oui. Pas grave, je sais que les encouragements étaient pour moi vu que je suis tout seul. Allez !

34ème km : 5’14. Ça grimpe un peu. J’ai mal aux jambes. J’arrive bientôt au bout mais en réfléchissant, en imaginant ma fin de parcours, je viens de me souvenir qu’il y avait un escalier à franchir avant l’arrivée. Et au point où j’en suis, je ne peux pas courir plus vite. Quoi que je puisse faire, la possibilité de finir en 3h30 n’existera bientôt plus. Pas grave, c’était pas mon objectif de base, mais ça pourrait le devenir dans un futur proche. Je vais assurer les 3h45 sans me mettre dans le rouge.

35ème km : 7’46. Du coup, tranquille, je m’arrête au ravitaillement avant la piste cyclable. Je discute avec les bénévoles, je regarde d’autres coureurs passer. Beaucoup ont craqué. Mais à cette distance, plus personne n’abandonnera. Je bois un seul verre de coca, un peu d’eau et je mange un quartier d’orange. C’est reparti.

36ème km : 5’14. La menace de la crampe a disparu. Nous sommes toujours sur la piste cyclable et l’absence totale de spectateurs est un peu démoralisante.

37ème km : 5’25. Je tiens bon et je comprends que si un tsunami vient pas gâcher la course, je serai sous les 3h45. Je retrouve le sourire et la volonté de tout envoyer jusqu’au bout.

38ème km : 7’13. Ravito. Obligé. Heureux de retrouver du monde à la sortie de la piste cyclable, je m’arrête de longues secondes au ravitaillement. Une spectatrice finit par me parler : « Et beh c’est pas le moment de s’arrêter ! » Je réponds en riant « Ok, j’y retourne » et je reprends ma course avec le sourire. Elle avait totalement raison. Mon avance est si large que je prends beaucoup trop de temps. Je suis encore capable de mettre du turbo.

39ème km : 4’57. Voilà, un peu de mental et à 4 kilomètres de l’arrivée, je ne vais plus lâcher le turbo, je vais finir rapide. Dans 15 minutes.

40ème km : 7’24. Vous vous souvenez, qu’il y a 6 kilomètres, je vous ai parlé d’un escalier ? Non parce que moi j’avais déjà oublié. Un spectateur me crie « après l’escalier c’est l’arrivée ! » Ah oui c’est vrai. Il y a beaucoup de monde autour de l’escalier. Je vais me la péter. Je me lance comme un furieux. Une marche, deux marches, trois marches, quatre marches, cinq marches. Stop ! Ca m’essouffle en fait. Non finalement, je vais faire comme les autres coureurs, je vais monter comme on monte un escalier dans la vie de tous les jours. Je m’arrête. Je lève la tête. Oui j’ai bien fait, il y a encore beaucoup de marches. Je demande à deux spectatrices « non mais c’est quoi ça ? », l’une d’elles me répond « c’est un escalier ». Et quel escalier ! J’arrive en haut les jambes sciées. Je m’arrête au ravito. Coca, eau, orange, je vois que ça va encore monter un peu. Pas de problème, je vais encore monter un peu. Mais en marchant. Après, il sera temps d’envoyer du pâté.

41ème km : 5’01. C’est bon j’ai oublié l’escalier. Il y a un peu de monde, je recommence à taper dans les mains des enfants avec le sourire. On vient de m’appeler Joseph pour la troisième fois. C’est drôle.

42ème km : 5’08. Il y a un monde fou. Je lève les bras pour les faire crier plus fort encore. Le public, c’est ce qu’il manquait sur le parcours de Blaye. Je suis très réceptif aux encouragements et j’aurais peut-être vécu un tout autre marathon si l’ambiance n’avait pas été aussi exceptionnelle.

42,195 km : Les bras levés, je franchis la ligne d’arrivée en 3h37min35s. Entre fatigue et excitation, la deuxième l’emporte. D’un pas pressé, je fonce vers une des bénévoles qui distribuent les médailles. Elle met la mienne autour de mon cou et me félicite. Nous étions 1040 au départ du marathon solo, je finis à la 104ème place, conscient que je viens de réaliser un exploit. Je fonce boire un coca. Deux cocas. Bon un dernier coca, et je reviens à proximité de la ligne pour voir l’arrivée de Christophe. J’espère qu’il sera sous les 4h. Je croise les doigts.

A l’arrivée du marathon

Après 3 heures et 52 minutes de course, il franchit la ligne d’arrivée exténué. Il regarde le sol un moment, va chercher sa médaille et me prend dans les bras. Aujourd’hui les Rapetou ont réussi leurs objectifs sur le marathon des Villages.

A l’arrivée, avec nos médailles

J’accompagne Christophe au ravitaillement. Bon allez je prends un dernier coca. Christophe n’est pas très bien. Il a envie de vomir et préfère retourner à sa voiture.

Je reste sur place un moment. Il est temps de songer à l’avenir. En 2019, à l’arrivée du marathon de Bordeaux, la première chose que j’ai dite, c’est que je ne ferai plus jamais de marathon. Aujourd’hui, après mon 3ème marathon, je décide de passer sous la barrière des 3h30 en 2023, et sous celle des 3h15 en 2024. Pour la suite, je ne me fais pas trop d’illusions. J’ai quand même 36 ans, mais peut-être encore de belles performances à venir.

2 commentaires sur “Marathon des Villages 2022

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